Selon saint Luc

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Vitrail de Nonancourt

vendredi 7 février 2014

Luc 22, 39-45 – Le mont des Oliviers


39 Étant sorti, il s'en alla, comme de coutume, vers le mont des Oliviers ; les disciples aussi l'accompagnèrent.
40 Lorsqu'il fut à l'endroit, il leur dit : " Priez afin de ne pas entrer en tentation. "
41 Et il s'éloigna d'eux environ d'un jet de pierre ; et, s'étant mis à genoux, il priait, disant :
42 " Père, si vous voulez, détournez de moi ce calice. Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la vôtre qui soit faite. "
43 Et lui apparut, (venant) du ciel, un ange qui le réconfortait.
44 Et, se trouvant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des gouttes de sang, qui tombaient sur la terre.
45 S'étant relevé de (sa) prière, il vint vers les disciples, qu'il trouva plongés dans le sommeil à cause de la tristesse.


3 commentaires:

  1. Nous sommes appelés à méditer sur le déchirement intérieur du Christ1.
    Il reprend et accomplit toutes les agonies portées par l’histoire des hommes et des prophètes. Depuis le « J’en ai assez » d’Élie (1 Rois 19) jusqu’à la fuite de Jonas, c’est le combat de l’homme contre le mal en lui et hors de lui qui est porté à son paroxysme.
    Quel fut l’insondable tourment avec lequel le Christ fut confronté la veille de sa Passion ? Des trois évangélistes, c’est Luc qui donne la version la plus détaillée.
    On y retrouve la sollicitude de l’ange qui venait nourrir Agar où Élie dans le désert du désespoir. Chez Luc, qui nous a accompagnés tout particulièrement dans ce périple, la prière est un chemin vers la contemplation du drame, mais elle est aussi source de force et de dépassement.
    Ce sont les mystiques comme par exemple sainte Catherine Emmerick qui ont été le plus loin dans la perception du mystère qui se joue ici. Pour cette dernière, il est donné au Christ de voir tout ce que sa mort n’empêchera pas : la monstruosité des hommes, nos propres faiblesses qui pourraient lui enlever le courage d’aller jusqu’au bout. Ce que nous pouvons effleurer du mystère qui se joue ici, de l’invérifiable du cœur trinitaire, c’est peut-être que les entrailles de Dieu sont ici torturées par l’incapacité qu’a l’homme de répondre aux multiples appels de Dieu. Les théophanies n’auraient-elles servi à rien ? La vie du Christ semble vouée à l’échec. Le lavement des pieds de Judas n’a servi à rien et la Trinité entière frémit de l’abandon de l’homme.
    La lutte contre le mal, déjà évoquée par Luc dans l’épisode des tentations (Lc 4) trouve ici son point final. « À quoi bon mourir pour l’homme s’il ne se réveille pas, s’il dort ? ». Et le sommeil des disciples doit être un déchirement de plus pour le Christ, comme l’est notre propre torpeur face aux dons multiples de Dieu.
    Comme au jardin d’Éden, retentit encore une fois le cri de Dieu qui cherche l’homme. « Où es-tu ? ». Dans la solitude de la nuit, il s’est transformé en un « veillez » qui semble vain sans l’envoi de l’Esprit Saint.
    Alors Jésus seul reste en prière et prononce le « Me voici » du psaume 39. « Non pas ma volonté, mais la tienne » (Lc 22, 42).
    On peut se demander ce que cache cette apparente contradiction des volontés. Pour Maxime le Confesseur2 il y a une tension qu’il faut respecter : « [Cela] ne montre rien d’autre que ceci : [Le Christ] a revêtu en vérité une chair qui craint la mort. Car le fait de craindre la mort, de la repousser et d’être en agonie est le propre de la chair. Tantôt donc il faut laisser sa chair seule et privée de sa seule opération, de façon à confirmer sa nature en montrant sa faiblesse tantôt il ne cache pas son opération » (XXIV, 3) et plus loin : « Il y a convergence extrême entre la volonté humaine et la volonté divine (...) il n’y a en lui aucune opposition ». (VI, 3).
    Ce qui est en jeu est pour moi du même ordre que ce qui s’est joué lors de la tentation et l’on retrouve ici la fin du combat évoqué par Luc plus haut. La chair du Christ a peur de la mort, mais ce dernier est tout entier tourné vers la volonté du père.
    Ici le décentrement est total. En écho au « fiat » de sa mère qui a permis l’engendrement de l’homme-Dieu, c’est ici le Fils qui se rend disponible et ouvre une voie nouvelle, fragile.
    Et sur le chemin de la croix, c’est le oui d’une mère et d’un fils qui seront ici en unisson. L’heure est venue où l’homme est appelé une dernière fois par le Père.

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  2. À la suite d’Adrienne von Speyr, relayé par Hans Urs von Balthasar , il faut peut-être aussi prendre le temps de contempler, chez Luc comme chez les autres évangélistes, ce qu’ils disent du sentiment d’abandon, de ce qu’on appelle la déréliction. Car par là on peut saisir combien le Christ rejoint la souffrance des hommes, ne se distingue pas et en cela, trace un chemin d’espérance, au sein même de nos souffrances.

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  3. Pour aller plus loin :
    - Retire tes sandales (un commentaire de l’œuvre d’Hans Urs von Balthasar),
    - aller plus loin :
    - Quelle espérance pour l’homme souffrant.

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